Antoine Lavorel

A l’école de la nature, Antoine est le jeune homme discret qui se fait volontiers oublier au fond du bois. Aux petites heures du jour, il disparaît dans son affût pour capter les lumières naissantes, observer les bouvreuils dans les viornes obiers ou sympathiser avec les chevreuils. Aux douceurs de l’été, il préfère le froid mordant de l’hiver et la brume sur la montagne, où il aime passer la nuit. Antoine partage sa passion pour la vie sauvage avec son grand frère Gaël après avoir exploré toutes les facettes de la photographie à l’école d’arts appliqués de Vevey, en Suisse.

Aussi loin que je me souvienne, les bêtes m’ont toujours fasciné. Quand je n’étais guère plus grand qu’une graminée, coccinelles et grillons étaient pour moi des sujets de fascination. Au fond du jardin luxuriant de mes parents, je restais des heures à contempler le vol des papillons, la course lente d’une limace et les allées et retours des mésanges.

Ce jardin devint le point de départ de mes déambulations sauvages. Lorsqu’âgé de 9 ans un petit appareil me fut confié, les chevreuils du bois voisin me virent tous les soirs. De telle sorte que ceux-ci, à force, me toléraient. Je n’étais pas bien menaçant. Le suis-je devenu ? Je l’ignore, mais les chevreuils ont disparu.

Au fil des années, mon vélo m’emmenait de plus en plus loin dans le bocage alentour. Les devoirs scolaires s’avéraient toujours plus compliqués quand, à la fenêtre, le printemps chantait. Lors de mes premiers affûts aux blaireaux à la lumière de la lune, et mes premières nuits seul au pied du grand chêne adjacent, chaque cri, chaque craquement de branche recelaient un mystère à élucider. Cet apprentissage solitaire du dehors compensait celui des bancs de l’école où mon mal-être était constant. Toujours solitaire ? Pas exactement. Des camarades de classe m’accompagnaient parfois. Benoît Renevey, ami de longue date de mes parents m’apprit la mécanique ingénieuse d’un appareil photo. C’est à ses côtés qu’à 14 ans j’aperçus mon premier lynx. Mes parents, évidemment, naturalistes passionnés ne cessèrent de nous montrer les facettes du sauvage. Et surtout, mon grand frère, Gaël, m’accompagnait. Un jour, il cassa son appareil photo et reprit les carnets de terrain que nous remplissions petits. Depuis lors, nous vagabondons parallèlement, lui chasseur au crayon, moi boîtier photo sur le dos. Mais tous deux jumelles autour du cou !

Et le Jura, dans tout ça ? Il est là, juste derrière chez moi. Collées au village, les premières forêts abritent les gélinottes de mon enfance, et droit en dessus s’offrent mille mètres de dénivelé positif. L’hiver, la neige y était abondante. J’appris à y lire les traces, à dormir comme une bête : se lover au pied d’un sapin, regarder passer les heures et tomber les flocons. Des rendez-vous s’organisaient. Chaque année, les parades des faucons pèlerins précédaient les feulements du lynx, le chant des gélinottes annonçait la naissance des renardeaux. M’attendaient-ils ? Aucunement. Mais moi, je n’attendais que ça.

J’ai maintenant 21 ans. Mon vélo a changé, un peu plus grand qu’avant. Mais de la coccinelle de mes premiers pas aux lynx du Jura, ma fascination, elle, n’a pas changé.

juillet 1 @ 11:00 — avril 1 @ 01:30
11:00 — 01:30 (6566h 30′)

Sentiers de la photo 2024

Antoine Lavorel

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